Quelle place pour les victimes devant les juridictions pénales internationales ?

Quelle place pour les victimes devant
les juridictions pénales internationales ?

Longtemps la victime était la grande absente des juridictions pénales internationales. Au sein des tribunaux ad hoc créés pour juger les crimes commis en ex-Yougoslavie ou au Rwanda, l’accès des victimes à la justice pénale internationale était, mis à part dans son volet protecteur, majoritairement oublié voir sciemment mis de côté. La victime était alors un simple instrument de l’accusation, cantonné à son rôle de témoin.

La signature le 17 juillet 1998 par 120 Etats du Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale, entré en vigueur le 1er juillet 2002, a marqué un véritable tournant en la matière. Depuis lors, un certain nombre de prérogatives ont été accordées aux victimes devant les juridictions pénales internationales, dont le statut se rapproche de celui de la partie civile à la française.

L’article 68 du Traité de Rome consacre la protection des victimes parties aux procès comme l’avait fait avant lui les tribunaux ad hoc. La Cour pénale internationale reprend les mesures de rigueur devant ces tribunaux. Ces dispositions protectrices de la dignité et de la sécurité de la victime sont doublées d’un accompagnement des victimes dans leurs démarches.

La règle n°85 du Règlement de procédure et de preuve de la Cour pénale internationale donne une définition de la victime :

« a) Le terme « victime » s’entend de toute personne physique qui a subi un préjudice du fait de la commission d’un crime relevant de la compétence de la Cour ; b) Le terme « victime » peut aussi s’entendre de toute organisation ou institution dont un bien consacré à la religion, à l’enseignement, aux arts, aux sciences ou à la charité, un monument historique, un hôpital ou quelque autre lieu ou objet utilisé à des fins humanitaires a subi un dommage direct. »

La décision Procureur c/ Thomas Lubanga Dyilo du 17 janvier 2006 complète cette définition en précisant que la victime doit être une personne physique qui a subi un préjudice (corporel, moral ou matériel) du fait de la commission d’un crime relevant de la compétence de la Cour (renvoyant à l’article 5 du Statut) dès lors que l’infraction n’a pas déjà été jugée et qu’il existe un lien de causalité entre le fait de la commission du crime et le préjudice.

La participation des victimes au procès devant la Cour pénale internationale résulte de l’article 68 du Statut de Rome, précisé dans ses modalités par la règle n° 89 du Règlement de procédure et de preuves, qui dispose que :

« Lorsque les intérêts personnels des victimes sont concernés, la Cour permet que leurs vues et préoccupations soient exposées et examinées, à des stades de la procédure qu’elle estime appropriés et d’une manière qui n’est ni préjudiciable ni contraire aux droits de la défense et aux exigences d’un procès équitable et impartial. Ces vues et préoccupations peuvent être exposées par les représentants légaux des victimes lorsque la Cour l’estime approprié, conformément au Règlement de procédure et de preuve. »

La décision de 2006 vient encore préciser l’esprit de Rome en consacrant le droit à la victime de déposer une demande de participation à la procédure auprès du greffe de la Cour dès qu’une enquête est ouverte par le Procureur de la Cour pénale internationale.

La même règle n°89 vient consacrer le droit à la victime de se faire représenter par un avocat devant la Cour pénale internationale, voire le droit pour plusieurs victimes de se regrouper sous un même avocat pour accomplir les actes de participation au procès, y exposer leurs vues et leurs préoccupations.

Le droit à une réparation du préjudice subi par la victime est définitivement consacré devant la Cour pénale internationale à l’article 75 du Statut qui dispose que :

« La Cour établit des principes applicables aux formes de réparation, telles que la restitution, l’indemnisation ou la réhabilitation, à accorder aux victimes ou à leurs ayants droit. Sur cette base, la Cour peut, sur demande, ou de son propre chef dans des circonstances exceptionnelles, déterminer dans sa décision l’ampleur du dommage, de la perte ou du préjudice causé aux victimes ou à leurs ayants droit, en indiquant les principes sur lesquels elle fonde sa décision. »

La décision de la Cour pénale internationale de 2006 a consacré le caractère fondamental de ce droit à la réparation du préjudice subi par la victime. Ce droit à une réparation se caractérise par son accessibilité, sa rapidité, son adéquation et peut bénéficier aux victimes directes comme indirectes. Dans le cas où la personne condamnée n’aurait pas les moyens d’y contribuer, le Fond au profit des victimes (créé par l’Assemblée des Etats parties en 2002) est chargé de sa mise en œuvre.